PUBLIÉ LE 7 OCTOBRE 2021 PAR HILLARY LEBLANC J’ai l’impression que ce titre va faire rire les personnes qui lisent souvent ce blogue, mais je me suis récemment fait tresser les cheveux... et oui, je sais. Je n’arrête pas de dire qu’il y aura une fin à cette conversation, la conversation concernant les tresses et l’appropriation culturelle et « ce ne sont que des cheveux ». Cependant, alors que je me faisais tresser les cheveux, j’ai eu une révélation qui mérite selon moi d’être communiquée pour mieux expliquer l’argument des pratiques culturelles et ce qu’elles signifient vraiment.
Je ne suis récemment rendue dans un salon de tressage africain pour la première fois. Chaque fois que je me suis fait tresser les cheveux auparavant, c’était dans la maison ou la cuisine d’une amie, où nous pouvions parler librement, écouter de la musique, grignoter, regarder des émissions spéciales d’humour. Pour la première fois, je suis entrée dans un établissement, cheveux et coiffure désirés en tête, pour demander un service. Au moment où les deux femmes ont commencé à se parler en français en supposant que je ne les comprendrais pas (je les ai mis immédiatement au cours que je parlais le français), j’ai vu leur attitude changer radicalement. Tout ce qu’ils s’apprêtaient à dire à mon sujet, que ce soit négatif ou positif, s’est transformé en un clin d’œil en éloges sur le fait que je sois bilingue, que j’aie gardé mon français du Nouveau-Brunswick lorsque j’ai déménagé. J’ai vu ces femmes continuer à se parler dans leur langue maternelle, à se parler en français à l’occasion, à me parler en français. Elles communiquaient avec aisance tout en nouant mes cheveux serrés contre mon cuir chevelu.
C’est à ce moment que j’ai eu cette révélation : oui, effectivement, les tresses elles-mêmes ont une signification historique et culturelle. Il semblerait que les esclaves cachaient de la nourriture dans leurs tresses et, comme je l’ai déjà mentionné à de nombreuses reprises, ces tresses sont également destinées à protéger un type de cheveux très particulier, mais peut-être que cela n’avait rien à voir avec les cheveux après tout. Je me suis rendu compte, à ce moment-là, pendant qu’ils me posaient des questions sur ma langue, la couleur de ma peau, mes parents, mon éducation, que le salon de coiffure était un lieu sûr. Je sais que d’autres ont vécu ce moment, lorsque vous allez chez le manucure et que les ragots fusent autour de vous, ou que vous allez chez le coiffeur et que le personnel raconte des conneries sur les clients horribles qui vous ont précédée ou vous laisse raconter des histoires embarrassantes sur vos teintures en boîte. Je sais que ma mère disait des conneries sur les voisins dans notre salon de quartier et, pendant un certain temps, la cousine de ma marraine était notre coiffeuse; nous racontions donc les potins de la famille. Ce même sentiment de lien familial est immédiatement présent dans un salon de tressage ou de coiffure africain. Nous nous sommes immédiatement senties assez à l’aise de parler des barrières linguistiques, du racisme au Nouveau-Brunswick et au Québec, du nombre d’enfants de ma tresseuse, du fait qu’elle préférait Toronto à Montréal. Ce n’était pas simplement du simple bavardage, nous parlions de barrières, de problèmes socio-économiques et de sujets qui nous touchaient toutes les deux en tant que femmes noires, pendant que cette femme enfonçait littéralement son poing dans mon âme pour tordre les cheveux autour des miens (ça a l’air frais, mais AYOYE).
Ainsi, bien que, oui, selon moi, les tresses en boîte ont l’air stupides sur les personnes blanches, non seulement vous en deviendriez probablement chauve mais, je vous le dis, cette femme m’a complètement bouleversée en faisant mes tresses... Il y a de cela plusieurs jours déjà et j’ai encore mal (pour ceux qui ne le savent pas, c’est extrêmement serré de nouer les cheveux autour des vôtres dans les tresses, et ça tire énormément. J’ai pleuré). Je pense que l’autre chose que les Noirs essaient de protéger, c’est un lieu sûr, une église où ils se rassemblent autour de fibres synthétiques et d’appareils dégageant de la chaleur, et où ils parlent de tout le tort que leur a fait la société, ce monde à l’extérieur du salon. Je suis certaine que ces dames seraient prêtes à servir les femmes blanches et à gagner de l’argent, mais je pense que l’aspect des « pratiques culturelles » renvoie aussi au fait d’être invitée à pénétrer dans ces espaces sûrs, de se faire enseigner la tradition par un membre de la communauté, et c’est peut-être là la partie essentielle de la discussion qui manque. Ce n’est pas une question de cheveux ni de coiffure; c’est plutôt une question de conversation libre qui se déroule dans un mini sanctuaire, et je trouve cela (et mes cheveux) magnifique.
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